L'Élection
Mais comment savoir, si l'on est élu?
À cette question Calvin n'admet qu'une réponse: nous devons nous contenter de savoir que Dieu en a décidé ainsi et persévérer dans l'inébranlable confiance en Christ qui résulte de la vraie foi.
Simple: si en m'adressant à Dieu, je l'appelle Père, en le considérant comme un Père favorable, je suis certainement élu. Pour celui qui ne veut pas croire à l'Évangile du Christ, la prédestination est un labyrinthe sans issue et une pierre de scandale. Pour celui qui se sait racheté, elle lui permet d'appuyer sa fragilité sur le roc, la volonté incompréhensible de Dieu.
Le fidèle élu, qui vit paisiblement dans la Providence de Dieu,
ne craint rien ni personne, sachant que rien n'empêchera le «
Seigneur Tout-Puissant»
de mener l'histoire à son terme, la restauration définitive de l'homme «dans la plénitude de Dieu».
Rien à voir avec le destin, ni même le fatalisme des Anciens et des «païens» grecs ou romains. Il n'existe pas de labyrinthes des causes fatales, explique Calvin, mais une seule dynamique, celle de l'action de Dieu, de ses voies et jugements insondables qui sont cependant porteurs de vie et de promesses de bonheur. Celui qui est disciple du Christ ne peut qu'attendre le jugement en toute sûreté.
La doctrine de Calvin s'articule en deux séquences distinctes:
- D'une part, durant sa vie l'homme qui vit par la foi s'exerce à combattre le mal et vise à la sanctification de son existence. Il est le lieu d'une liaison entre Dieu et le monde en ce qu'il croit et s'attend à la miséricorde divine.
- D'autre part, l'éternité, le monde d'en haut, est un domaine dont nul ne peut connaître le mystère, ni comprendre le mouvement et l'action. Entre ces deux temps, chaque croyant peut percevoir des indices avérés de son élection dans le cours de ses activités et dans sa vocation sociale.
Le sociologue Max Weber explique, dans
L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme (1904-1905), (traduction par J. Chavy, Plon, 1964; nouvelle traduction par J.-P. Grossein, Gallimard, 2003.), que cette dimension positive de la prédestination a donné aux sociétés animées par des Églises confessant la doctrine réformée une activité inventive, créatrice, intelligente et commerciale remarquable. Le laïc catholique du Moyen Âge vivait, selon Max Weber, pour ainsi dire, au jour le jour du point de vue moral. Il était censé accomplir les devoirs et obligations exigées par l'Église, mais aussi produire quelques bonnes œuvres qu'il accomplissait au gré des circonstances dans une sorte de temps discontinu.