Les deux Babylones Alexander Hislop

Table des matières
Page précédante Page précédante
Page suivante Chapitre 4 - Doctrine et discipline
Article 4 - Extrême-Onction


Chapitre 4

Doctrine et discipline

Article 3

Le sacrifice de la messe

Si la régénération par le baptême, point de départ des croyances romaines, et la justification par les oeuvres, sont toutes les deux d'origine chaldéenne, le principe contenu dans le sacrifice non sanglant de la messe ne l'est pas moins. Tacite (1) nous apprend qu'il n'était pas permis d'offrir du sang sur les autels de la Vénus de Paphos. On immolait des victimes pour les consultations de l'Aruspice, afin de tirer des présages pour l'avenir, d'après l'inspection des entrailles de ces victimes ; mais les autels de la déesse de Paphos devaient être gardés purs de tout sang. Tacite montre que l'Aruspice du temple de la Vénus de Paphos fut amené de Cilicie parce qu'il connaissait les cérémonies de cette déesse ; c'était le moyen de les faire accomplir convenablement suivant la volonté supposée de Vénus, car les Ciliciens avaient une connaissance particulière de ces cérémonies. "Tarse", capitale de la Cilicie, fut bâtie par Sennachérib, roi d'Assyrie, sur le modèle de Babylone (2). Les religions des deux villes correspondent naturellement, et lorsque nous trouvons à Chypre (dont le prêtre venait de Cilicie) des sacrifices non sanglants, c'est, dans ces circonstances, une forte présomption que le sacrifice non sanglant y parvint par la Cilicie depuis Babylone. Cette présomption est grandement confirmée quand nous lisons dans Hérodote que cette coutume extraordinaire et abominable de Babylone, la prostitution des vierges en l'honneur de Mylitta, était observée aussi à Chypre, en l'honneur de Vénus (3). Mais le témoignage de Pausanias change cette présomption en certitude. "Tout près de là, dit cet historien, parlant du temple de Vénus à Athènes, se montre le temple de la Vénus céleste, qui fut d'abord adorée par les Assyriens, puis par les Paphiens de Chypre, et enfin par les Phéniciens qui habitaient Ascalon en Palestine. Mais les Cythéréens vénéraient cette déesse parce qu'ils avaient appris les rites sacrés par le moyen des Phéniciens (4)." Ainsi la Vénus d'Assyrie c'est-à-dire la grande déesse de Babylone et la Vénus de Chypre, étaient une seule et même déesse, et les autels non sanglants de la déesse de Paphos montrent le caractère du culte particulier à la déesse de Babylone dont elle était dérivée.

À cet égard, la reine déesse de Chaldée différait de son fils qu'on adorait dans ses bras. Il était, nous l'avons vu, représenté comme heureux de voir le sang répandu. Mais elle, comme mère de la grâce et de la miséricorde, comme céleste colombe, comme espoir du monde (5), était opposée au sang et était représentée avec un caractère doux et pacifique. Aussi à Babylone elle portait le nom de Mylitta (6), la Médiatrice (7). Celui qui lit la Bible, et sait qu'elle déclare expressément que de même qu'il y a un seul Dieu, il y a aussi un seul médiateur entre Dieu et l'homme (I Timothée II, 5), doit se demander comment il pût jamais venir à l'esprit d'un homme de décerner à Marie, comme le fait l'église romaine, le caractère de médiatrice. Mais le caractère de Mylitta donné à la déesse babylonienne l'explique facilement. Pour justifier ce caractère de médiatrice, elle fut appelée Aphrodite, c'est-à-dire celle qui dompte la colère (8), celle qui par ses charmes pouvait calmer la colère de Jupiter, et apaiser les esprits les plus furieux des dieux ou des mortels. À Athènes on l'appelait Amarusia (9), c'est-à-dire la mère qui reçoit avec faveur (10). À Rome on l'appelait la bonne déesse, bona dea ; les mystères de cette déesse étaient célébrés par des femmes, avec un secret particulier. Dans l'Inde la déesse Lakshmi, la mère de l'univers, la compagne de Vichnou est aussi représentée comme ayant le caractère le plus gracieux et le plus propice et ce caractère est désigné de la même manière que pour la déesse de Babylone. Dans les fêtes de Lakshmi, dit Coleman, on n'offre aucun sacrifice sanguinaire (11). En Chine, les grands dieux dont dépendent les destinées finales de l'humanité sont pour les esprits du peuple comme des objets de terreur ; mais la déesse Kuanyin, la déesse de miséricorde (12), qui d'après les Chinois de Canton offre de l'analogie avec la vierge de Rome, est décrite comme regardant les coupables avec un oeil compatissant et s'interposant pour sauver même les âmes des malheureux, des tourments auxquels ils ont été condamnés dans le monde des esprits (13). Aussi les Chinois l'entourent-ils d'une faveur particulière. Ce caractère de la déesse mère a évidemment rayonné de Chaldée dans toutes les directions.

Or, nous voyons maintenant comment il se fait que Rome représente Christ, l'agneau de Dieu, doux et humble de coeur, qui ne brisait jamais le roseau froissé, qui n'éteignait point le lumignon encore fumant, qui avait pour chaque pénitent des paroles du plus doux encouragement, qui pleurait sur Jérusalem, qui priait pour ses bourreaux, comme un juge dur et inexorable, devant qui le pécheur pourrait ramper dans la poussière sans jamais être sûr que ses prières soient entendues (14), tandis que Marie nous est présentée avec l'éclat le plus irrésistible et le plus séduisant, comme l'espoir du coupable, comme le grand refuge des pécheurs. C'est ainsi que le premier, dit-on, s'est réservé pour lui-même la justice et le jugement, tandis qu'il a remis à sa mère l'exercice de toute miséricorde (15). Les ouvrages religieux de Rome les plus en vue sont envahis par ce même principe, exaltant la compassion et la douceur de la mère aux dépens du caractère aimant de son fils. Ainsi saint Alphonse de Liguori dit à ses lecteurs que le pécheur qui s'aventure à venir directement à Christ doit craindre son courroux ; mais s'il emploie seulement la médiation de la Vierge avec son Fils, elle n'a qu'à montrer à son Fils les mamelles qui l'ont allaité (16), et sa colère sera immédiatement apaisée. Mais où a-t-on pu trouver dans la Parole de Dieu une semblable idée ? Certainement ce n'est pas dans la réponse de Jésus à cette femme qui s'écria : – "Heureux le sein qui l'a porté et les mamelles qui l'ont allaité." – Jésus répondit et lui dit : "Bienheureux plutôt sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique !" (Luc XI, 27-28). Il n'y a pas à en douter, cette réponse fut inspirée par la prévoyance du Sauveur, pour réprimer dans sa formation toute idée semblable à celle qu'exprimé Liguori ! Et cependant cette idée qu'on ne trouve pas dans l'Écriture, que l'Écriture répudie expressément, était largement répandue chez les nations païennes. Ainsi, nous trouvons une représentation exactement parallèle dans la mythologie Hindoue au sujet du dieu Siva et de sa femme Kali, lorsque Dieu apparut comme un petit enfant. Siva, dit le Lingua Puran, apparut comme un enfant dans un cimetière entouré d'esprits, et en le voyant, Kali sa femme le prit dans ses bras, et le caressant lui donna le sein. Il suça le liquide doux comme le nectar ; mais comme il se mettait en colère, Kali, pour le distraire et l'apaiser, le serrant sur sa poitrine, se mit à danser avec ses spectres et ses démons au milieu des morts jusqu'à ce qu'il fût joyeux et ravi, tandis que Vichnou, Brahma, Indra, et tous les dieux prosternés louaient par leurs chants élogieux le dieu des dieux Kal et Parvati (17). Kali, dans l'Inde, est la déesse de la destruction ; mais le pouvoir de la déesse mère a trouvé son introduction dans le mythe même qui concerne cette déesse de destruction, capable d'apaiser un dieu offensé par des moyens qu'on emploie d'ordinaire pour calmer un entant capricieux. Si l'histoire Hindoue montre son dieu des dieux sous un jour si dégradant, l'histoire papale honore-t-elle mieux le Fils du Dieu béni, lorsqu'elle nous le représente comme ayant besoin d'être apaisé par sa mère qui lui présente le sein qu'il a sucé ? Tout cela est fait uniquement pour exalter la mère, comme étant plus gracieuse et plus miséricordieuse que son glorieux Fils.

L'hostie

Or, c'était précisément le cas à Babylone, et les offrandes favorites de cette déesse correspondaient exactement à ce caractère. Aussi voyons-nous que les femmes de Juda sont représentées comme brûlant l'encens, versant des libations, et offrant des gâteaux à la reine du ciel (Jérémie XLIV, 19). Les gâteaux étaient le sacrifice non sanglant qu'elle demandait. Non seulement ses sectateurs offraient ce sacrifice non sanglant, mais ils y prenaient part lorsqu'on les admettait à des mystères plus élevés et faisaient de nouveaux serments de fidélité. Au IVe siècle lorsque la reine du ciel, sous le nom de Marie, commença à être adorée dans l'église chrétienne, ce sacrifice non sanglant fut aussi introduit. Épiphane déclare que l'usage de manger et de boire ce sacrifice commença parmi les femmes d'Arabie (18) et qu'à cette époque on savait fort bien qu'il avait été emprunté aux païens. La nature même de ce sacrifice non sanglant de Rome indique clairement son origine.

C'est une petite hostie mince et ronde et l'église romaine attache tant d'importance à cette forme ronde, que, pour nous servir de l'énergique langage de John Knox à propos de l'hostie-dieu : "Si, en lui donnant la forme ronde, on brise la circonférence, il faut qu'un autre gâteau reçoive l'honneur d'être fait dieu, et le malheureux gâteau, brisé ou fendu, qui avait l'espoir d'être fait dieu, doit être donné à un enfant pour lui servir de jouet (19)." Qu'est-ce donc qui a pu amener la papauté à insister autant sur la forme de son sacrifice non sanglant ? Évidemment ce n'est pas une allusion à l'institution divine du souper du Seigneur, car dans tous les détails qui nous sont donnés, il n'y a aucune allusion à la forme du pain que prit Notre Seigneur, lorsqu'il le prit, le rompit et le donna à ses disciples, en disant : "Prenez, mangez : ceci est mon corps, faites ceci en mémoire de moi." (Matthieu XXVI, 26 ; Marc XIV, 22 ; 1 Corinthiens XI, 24). On ne peut pas s'appuyer davantage sur la forme du pain de la Pâque Juive ; car on ne trouve dans le livre de Moïse aucun commandement à cet égard. L'importance que Rome attache à la forme de l'hostie doit cependant avoir une raison ; cette raison, nous la trouvons en examinant les autels d'Égypte : "Le gâteau mince et rond, dit Wilkinson, se trouve sur tous les autels (20)." Toutes les bagatelles, tous les riens du culte égyptien avaient une signification symbolique. Le disque arrondi, si fréquent dans les emblèmes sacrés de l'Égypte, symbolisait le soleil. Or, lorsqu'Osiris, la divinité du soleil, s'incarna et naquit, ce ne fut pas seulement pour donner sa vie en sacrifice pour les hommes (21), mais aussi afin d'être la vie et la nourriture des âmes. On admet généralement qu'Isis fut l'original de la Gérés des Grecs et des Romains ; mais Gérés, il faut le remarquer, était adorée non seulement parce qu'elle avait découvert le blé, mais aussi comme étant la mère du blé (22). L'enfant qu'elle mit au monde était Hé-Siri, la semence, ou comme on l'appelait le plus communément en Assyrie Bar, ce qui veut dire à la fois le Fils et le blé (fig. 37).

  Cliquez pour agrandir. Agrandir la figure.
Hé-Siri (la semence), en Assyrie Bar.
Fig. 37
– L'épi de blé est à côté de Cérès, qui d'ordinaire le tient à la main. Le dieu de l'autre côté est le même que cet épi (voir page 112).


Les non-initiés pouvaient vénérer Cérès pour le don du blé matériel qui nourrissait leur corps, mais les initiés l'adoraient pour un don bien plus précieux, pour la nourriture qui alimentait leurs âmes, pour ce pain de Dieu qui est descendu du ciel, pour cette vie du monde dont il est dit que celui qui en mangera ne mourra point. S'imagine-t-on que cette doctrine, d'après laquelle Christ est le pain de la vie, soit contenue seulement dans le Nouveau-Testament ? Il n'y a jamais eu, il ne pouvait jamais y avoir de vie spirituelle dans une âme, depuis la création, au moins depuis l'expulsion d'Éden, qui ne fut nourrie et entretenue par une continuelle nourriture au moyen du Fils de Dieu, "en qui il a plu au Père de faire habiter toute plénitude" (Colossiens I, 19), afin que "par sa plénitude, nous recevions grâce sur grâce" (Jean I, 16).

Paul nous dit que la manne que les Israélites mangeaient dans le désert était pour eux un type et un vivant symbole du pain de vie (I Corinthiens X, 3) : "Ils mangèrent tous la même viande spirituelle", c'est-à-dire la viande qui non seulement devait soutenir leur vie matérielle, mais les amener à celui qui était la vie de leurs âmes. Or, Clément d'Alexandrie, auquel nous devons beaucoup pour toutes les découvertes faites en Égypte dans les temps modernes, nous affirme expressément que, sous leurs caractères cachés, les énigmes des Égyptiens étaient très ressemblantes à celles des Juifs (23). Il est clairement établi que les païens initiés croyaient que le blé accordé au monde par Gérés n'était pas le blé de cette terre, mais le divin Fils, par lequel seul on peut jouir de la vie spirituelle et éternelle. Les druides étaient des adorateurs fidèles de Gérés et comme tels ils étaient célébrés dans leurs poèmes mystiques, comme porteurs des épis de blé (24). Voici comment les druides décrivent leur grande divinité, sous la forme du blé : "Ce dieu était représenté comme s'étant tout d'abord attiré pour une raison ou pour une autre l'inimitié de Gérés et comme fuyant épouvanté devant elle. Dans sa frayeur, il prit la forme d'un oiseau et s'éleva dans les airs. Cet élément ne lui offrit pas de refuge, car la dame sous la forme d'un épervier allait l'atteindre et le saisir dans ses griffes. Frissonnant d'épouvanté il aperçut un monceau de blé dans une aire, il s'y laissa aller au milieu et prit la forme d'un grain. Ceridwen, (c'est-à-dire la Gérés d'Angleterre), prit la forme d'une poule à la crête noire, descendit dans le tas de blé, y gratta, le découvrit et l'avala. D'après l'histoire elle le porta pendant neuf mois et, lorsqu'elle le mit au monde, elle trouva que c'était un si bel enfant qu'elle ne put se résoudre à le mettre à mort (25)." Ici, il est évident que le grain de blé est identique à ce bel enfant ; il est encore évident que Gérés qui, pour les profanes, était seulement la mère de Bar, le blé, était pour les initiés la mère de Bar, le Fils.

Et maintenant le lecteur pourra comprendre pourquoi dans la sphère céleste la Vierge tient à la main un épi de blé. Cet épi de blé, dans la main de la Vierge, est précisément un autre symbole de l'enfant dans les bras de la reine-mère. Or, ce fils, symbolisé dans le blé, était le dieu soleil incarné, d'après l'oracle sacré, de la grande déesse d'Égypte : "Nul mortel n'a levé mon voile. Le fruit que j'ai produit c'est le soleil (26)." Quoi de plus naturel, dès lors, que cette divinité incarnée, si elle est symbolisée comme le pain de Dieu, soit représentée par une hostie ronde, pour l'identifier avec le blé ? Est-ce une pure fantaisie ? Que le lecteur parcoure l'extrait suivant de Hurd, où sont dépeintes les décorations de l'autel romain, sur lequel on dépose l'hostie consacrée et il pourra se prononcer : "Un plat d'argent, de la forme d'un soleil, est placé en face du sacrement sur l'autel ; à la lumière des cierges, il produit un effet éblouissant (27)." Que vient faire là ce soleil brillant, sur l'autel au-dessus du sacrement ou de l'hostie ronde ? En Égypte, le disque du soleil était représenté dans les temples, et le souverain et sa femme avec ses enfants étaient représentés comme l'adorant. Près de la petite ville de Babain, dans la haute Égypte, on voit encore une représentation d'un sacrifice au soleil, où deux prêtres adorent l'image du soleil comme dans la figure 38. Dans le grand temple de Babylone, l'image dorée du soleil était exposée pour être adorée par les Babyloniens (28).

  Cliquez pour agrandir. Agrandir la figure.
Représentation d'un sacrifice au soleil, où deux prêtres adorent l'image du soleil, à Babain, en haute Égypte.
Fig. 38
Dans le temple de Cuzco, au Pérou, le disque du soleil en or étincelant, était fixé au mur (29), afin que tous ceux qui entraient se prosternassent devant lui. Les Péoniens de Thrace adoraient le soleil ; et dans leur culte, ils adoraient une image du soleil en forme d'un disque au sommet d'un long bâton (30).

Dans le culte de Baal comme le pratiquaient les Israélites idolâtres, au jour de leur apostasie, on observait également le culte de l'image du soleil, et il est frappant de voir que l'image du soleil, adorée par les apostats d'Israël, était élevée au-dessus de l'autel. Lorsque le pieux Josias entreprit l'oeuvre de réformation, ses serviteurs, est-il écrit, en accomplissant leur oeuvre, procédèrent ainsi : ils détruisirent, en sa Présence, les autels des Baals, et les images qui étaient au-dessus du soleil (II Chroniques XXXIV, 4).

Benjamin de Tudela, le grand voyageur juif, donne une description frappante du culte du soleil qui, même dans des temps relativement récents, existait encore chez les Cushites de l'est, où nous voyons cette image du soleil adorée même de son temps. "Il y a un temple, dit-il, chez les descendants de Chus, qui est consacré à la contemplation des étoiles. Ils adorent le soleil comme un dieu, et tout le pays, à un demi-mille autour de la ville, est rempli d'autels qui lui sont dédiés. À l'aube du jour ils se lèvent et sortent de la ville pour attendre le lever du soleil : sur chaque autel on met en son honneur une image consacrée, non par l'image d'un homme, mais de l'orbe solaire confectionnée par l'art des magiciens. Ces globes prennent feu aussitôt que le soleil se lève, et résonnent avec un grand bruit, tandis que chacun, hommes et femmes, tenant à la main des encensoirs, brûlent de l'encens au soleil (31)." Tout ceci prouve évidemment que l'image du soleil, fixée au mur ou sur l'autel, était l'un des symboles reconnus des adorateurs de Baal ou du soleil.

Et ici, dans une église soi-disant chrétienne, un plat d'argent étincelant, de la forme d'un soleil, est placé sur l'autel de telle manière que tous ceux qui viennent à cet autel doivent s'incliner humblement devant cette image. Je le demande, d'où aurait pu venir tout cela, sinon de l'ancien culte du soleil ou du culte de Baal ? Et quand l'hostie est placée de telle sorte que le soleil d'argent est en face de l'hostie ronde, dont la forme est un élément si important dans les mystères romains, qu'est-ce que cela peut signifier ? Cela montre à ceux qui ont des yeux pour voir que l'hostie elle-même n'est qu'un autre symbole de Baal ou le soleil. Si la divinité du soleil était adorée en Égypte comme la semence ou à Babylone comme le blé, c'est exactement de la même manière que l'hostie est adorée à Rome. "Blé, pain des élus, aie pitié de nous", telle est l'une des prières formelles de la litanie romaine adressées à l'hostie dans la célébration de la messe (32). Et l'une des conditions exigées pour pouvoir prendre l'hostie est exactement la même que celle qui était en vigueur dans l'ancien culte de la déesse babylonienne. Ceux qui y prenaient part devaient absolument être à jeun. C'est une condition strictement exigée. L'évêque Hay, expliquant cette loi, dit qu'il est indispensable que nous soyions à jeun depuis minuit, c'est-à-dire que depuis une nuit avant de recevoir l'hostie, nous n'ayions pris aucun aliment, aucune boisson, aucun remède (33). Si on considère que Nôtre-Seigneur Jésus-Christ institua la sainte communion immédiatement après que ses disciples eurent pris le repas pascal, une condition si formelle de jeûne doit sembler inexplicable. Mais considérez cette précaution concernant le sacrifice non sanglant de la messe à la lumière des mystères d'Eleusis, et tout cela s'explique aussitôt ; car la première question qu'on posait à ceux qui voulaient être initiés était celle-ci : êtes-vous en état de jeûne (34) ? Et s'ils ne répondaient pas affirmativement on ne pouvait les initier. Sans doute dans certaines circonstances le jeûne chrétien est un devoir, mais tandis que ni la lettre ni l'esprit de l'institution divine n'imposent une règle aussi sévère que celle dont nous parlons, la formalité des mystères babyloniens nous en montre clairement l'origine. Quoique le dieu enfanté par Isis ou Gérés qui leur était offert sous le symbole d'une hostie ou d'un gâteau mince et rond, représentant le pain de vie, fût en réalité le soleil terrible, redoutable et brûlant, le terrible Moloch, néanmoins dans cette offrande, toute cette terreur était voilée, et tout ce qu'il y avait en lui de repoussant était rejeté dans l'ombre. C'est sous ce symbole consacré qu'il est offert à son indulgente mère qui, par sa miséricorde, adoucit ses jugements, et qui dispose de toutes les bénédictions spirituelles ; béni par sa mère, il est donné de nouveau pour être célébré comme étant le soutien de la vie, la nourriture et l'âme de ses adorateurs. C'est ainsi que la mère était la divinité favorite. C'est ainsi et pour les mêmes raisons, que la madone de Rome éclipse entièrement son fils comme étant la mère de grâce et de miséricorde.

Les lettres "J. H. S." sur l'hostie

Quant au caractère païen du sacrifice non sanglant de la messe, nous l'avons déjà suffisamment établi. Mais il y a encore à considérer un point qui montre encore mieux l'oeuvre du mystère d'iniquité. Il y a sur l'hostie des lettres qu'il vaut la peine de lire. Ces lettres sont J. H. S. Que veulent dire ces lettres mystiques ? Pour un chrétien, ces lettres signifient Jésus Salvator, Jésus Sauveur des hommes. Mais qu'un adorateur romain d'Isis (car du temps des empereurs il y avait à Rome des adorateurs innombrables d'Isis) jette les yeux sur ces lettres, comment les expliquera-t-il ? Il le fera naturellement d'après son propre système d'idolâtrie, système maintenant bien connu, et lira Isis, Horus, Seb, c'est-à-dire : la mère, l'enfant et le père des dieux, en d'autres termes, la Trinité Égyptienne.

Le lecteur s'imaginera-t-il que ce double sens soit accidentel ? Certainement non. Le même esprit qui transforma la fête du païen Oannes et en fit la fête du chrétien Joannes, conservant en même temps tout son ancien paganisme, a habilement tracé les initiales J. H. S. pour payer un semblant de tribut au christianisme, tandis qu'en réalité c'est le paganisme qui a toute la substance de l'hommage qui lui est rendu.

Lorsque les femmes arabes commencèrent à adopter cette hostie et à offrir le sacrifice non sanglant, tous les vrais chrétiens virent tout de suite le vrai caractère de leur sacrifice. Elles furent traitées d'hérétiques et flétries du nom de Collyridiennes d'après le nom grec du gâteau qu'elles employaient. Mais Rome comprit que cette hérésie pourrait être utilisée ; aussi, bien que condamnée par la partie fidèle de l'église, la coutume d'offrir et de manger le sacrifice non sanglant fut patronnée par la papauté ; et maintenant, dans toutes les nations de la communion romaine, elle a remplacé le simple mais bien précieux sacrement du repas institué par le Seigneur lui-même.

La question de la transubstantiation est étroitement unie au sacrifice de la messe ; mais il convient mieux de l'examiner dans une autre partie de cet ouvrage.


1. Histoires, liv. II, vol. III, ch. 3, p. 106.
2. BUNSEN, vol. I,p. 718.
3. HÉRODOTE, Histoires, liv. I,ch. 199, p. 92.
4. PAUSANIAS, liv. I, Attica, ch. 14.
5. BRYANT, Nonni Dionysiaca, vol. III, p. 226.
6. HÉRODOTE, liv. I, ch. 199.
7. Mylitta est le même que Malitta, féminin de Melitz, ou médiateur, qui, en Chaldée devient Melitt. Melitz est le mot employé dans Job XXXIII, 23-28 : "S'il y a pour cet homme-là quelque messager, quelqu'un qui parle pour lui (Melitz, enhébreu, médiateur) un d'entre mille, qu'il fasse connaître à l'homme ce qu'il doit faire. Alors Dieu aura pitié de lui et dira : Délivre-le afin qu'il ne descende pas dans la fosse. J'ai trouvé une rançon." Pour plus de preuves, voyez Appendice, note J.
8. Du chaldéen aph, colère, et radah, vaincre, radité est la forme emphatique au féminin.
9. PAUSANIAS, liv. I, Attica, ch. 31, p. 72.
10. De Ama, mère, et Retza, accepter gracieusement, au participe passif, c'est Rûtza. Pausanias exprime ainsi son embarras quant au sens du nom Amarusia appliqué à Diane : "Je n'ai jamais pu trouver personne qui me donnât une explication satisfaisante de ce nom." La langue sacrée nous en montre clairement le sens.
11. Mythologie Hindoue, p. 61.
12. Syr J. F. DAVIS, vol. II, p. 67.
13. ibid. p. 61.
14. Sermon d'un prêtre italien, dans Le Christianisme évangélique, mai 1853.
15. JEWELL, Réformateur anglais, p. 209.
16. Le laïque catholique, juillet 1856.
17. LINGUA PURAN, dans KENNEDY, Mythologie ancienne et Hindoue, p. 333, notes.
18. ÉPIPHANE, Adversus Hoereses, vol. I, p. 104.
19. BEGG, Manuel de la papauté, p. 25.
20. WILKINSON, Les Égyptiens, vol. V, p. 353.
21. Voir p. 152, note pour le sens symbolique de l'oie.
22. Genitrix, ou mater frugum. Voir PYPER, Gradus ad Pamassum, Cérés, et aussi OVIDE, Métamorphoses, liv. VI, v. 117-118.
23. CLÉMENT D'ALEXANDRIE, Stromata, vol. III, v. 7, p. 56.
24. DAVIES, Les Druides de la Grande-Bretagne, p. 504.
25. ibid. Chant de Taliesin, p. 230.
26. BUNSEN, L'Égypte, vol. I, p. 386-387.
27. HURD, Rites et cérémonies.
28. Voir p. 97.
29. PRESCOTT, Le Pérou, vol. I, p. 64.
30. BRYANT, vol. I, p. 259.
31. Cité par le traducteur des Lettres de SAVARY, vol. II, p. 562-563, notes.
32. Le Protestant, p. 269, c. 2.
33. LeChrétien sincère, vol. II, sect. III, p. 34.
34. POTTER, vol, I, Eleusinia, p. 356.


Table des matières
Page précédante Page précédante
Page suivante Chapitre 4 - Doctrine et discipline
Article 4 - Extrême-Onction